Histoire ancienne Nous voilà en 1832. Que se passe-t-il à cette époque ? Quel remue-ménage dans ce pays de Vaud qui se cherche une âme ! A la capitale, on s'échauffe pour la politique mais dans les campagnes, on s'active, on construit, à Agiez aussi. Il y a justement cet entreprenant de Georges Ecoffey qui vient d'emménager dans sa belle et grande maison neuve. Il en est très fier. Il a fait graver ses initiales au fronton de la porte de grange : GE 1830. C'est qu'il en avait rêvé longtemps de cette maison, surtout de la cave ! Elle devait être grande et profonde, et fraîche pour y loger un pressoir et des tonneaux petits et grands. Il a des vignes. Le vin se vend bien ! Il s'exporte en Allemagne ou en Suisse Alémanique. Pour que la cave soit fraîche, il fallait qu'elle soit au nord, à la bise. Les appartements au-dessus seront frais aussi.....Tant pis pour le soleil. Il réchauffera l'écurie ! Mais avant tout ça, il en avait fait des choses ce Georges. Il avait acheté plusieurs lopins de terre ou de vignes pour agrandir son domaine. Et quand il était en manque de liquidités, il allait frapper à la porte de la Cure. Là, le pasteur Elie Rochat qui était fortuné lui prêtait quelques centaines de francs qu'il rendait en temps voulu. On pouvait faire confiance à Georges, n'était-il pas assesseur de la justice de paix de Romainmôtier ! Suzette Conod, sa femme venue des Clées, a aménagé l'appartement- Elle a pu mettre en valeur sa belle garde-robe en noyer dans la grande chambre. Mais quelquefois, elle trouve sa cuisine sombre et sans soleil. Elle s'en plaint un jour à Georges qui lui réplique : - Il ne faut pas te plaindre ! Tu as tout ce qu'il te faut ! Et puis, on t'as aménagé un beau jardin entre le four et l'écurie. Je vais t'y mettre un banc, ainsi tu pourras aller t'y asseoir au soleil ! Mais Suzette hausse les épaules. Elle sait bien que quand elle ira au jardin, ce ne sera pas pour s'y asseoir ! Ajoutons qu'en face de la maison, il y a place pour le fumier, un petit bâtiment pour les cochons avec un bûcher au-dessus, et une vielle fontaine en bois qui deviendra en pierre de taille 10 ans plus tard. Mais avant d'aller plus loin, on songe à la somme d'efforts qu'il a fallu fournir ! Que de coups de pioche, que de brouettes de terre à sortir pour la cave ! Et les murs, 80 cm d'épaisseur à la cave, pareil à la cuisine. Alors, combien de chars de pierres à ramasser ! On comptait 150 chars de pierre de taille, 80 à 90 chars de grosses pierres et graviers, et en plus de la chaux pour lier le tout. Et le bois pour la charpente et les tuiles ? Le charpentier Robellaz avait présenté le devis le 25 octobre 1829. Georges venait d'acheter à Henri Brolliat la parcelle de 2 quarterons, limitée par le four communal et la route pour le prix de 200 fr., acte passé le 24 décembre 1828. Et le 29 janvier 1830, il a encore agrandi la parcelle par l'achat d'une parcelle de 2 pieds de large pour le prix de 8 fr., le tout comptant. Et chez les Vallotton ? Que se passait-il pendant ce temps ? En tout cas, leur maison était bien vieille, laissant passer la bise, le vent et même la pluie (on ne sait pas trop où elle était cette maison !). Un soir après avoir mangé sa soupe, raconté sa journée à sa Suzanne, Moïse continue... - Tu sais, demain, on monte la poutre faîtière chez Georges Ecoffey. Il faudra de l'aide. J'irai, je voudrais voir comment Robellaz s'y prend ! - Ouais, répond Suzanne, un peu grincheuse. Au lieu d'être tout le temps fourré chez ce Georges, tu ferais bien de penser à nous. La maison va nous tomber dessus un de ces matins. - Mais j'y pense tous les jours. Je n'ai pas le moyen d'acheter une parcelle, alors je crois que je vais bâtir sur mon pré du Moulin. Tu sais, ce sera bien au Moulin, on a toujours de l'eau, tandis qu'en haut le village, ce n'est pas pareil ! - Oh, mais quelle idée. Ça n'ira pas, c'est beaucoup trop petit, ton pré du Moulin ! D'un côté, il y a la maison à Zanet, et de l'autre la route, et ça finit en pointe ! - J'en ai parlé au maçon. Il dit qu'on peut très bien placer les appartements au levant et les granges et écuries à l'arrière. On laisserait un passage entre notre maison et celle à Zanet, mais à l'opposé, le mur friserait la route. On ne peut pas faire autrement ! Et puis, il y aura encore un peu de place devant pour faire un jardin. Comme ça, tu verras tes poireaux et tes salades depuis la fenêtre de ta cuisine ! Cette conversation laisse Suzanne songeuse. Elle est sceptique. Son Moïse lui a fait miroiter tant de fois des projets, projets restés sans suite. Mais quelques jours plus tard, que voit-elle ? Le maître maçon, avec deux ouvriers, vont et viennent dans ce pré, la chevilière et des piquets en main. Elle se dit : « C'est donc bien vrai. On va avoir un devis. Si au moins, c'était vrai ! Enfin une chambre pour les enfants, une pour Moïse et moi et peut-être une pour recevoir des visites ! Mais comment va-t-il payer tout ça ? » C'est ainsi qu'on vit s'élever la maison Vallotton. Moïse en est aussi très fier. Il a fait graver ses initiales sur la porte de la grange : MV 1836 mais, mieux que chez Georges, sur un écusson agrémenté d'une étoile ! Tant d'années ont passé. Les générations se sont succédées. Les maisons sont toujours là, abritant sous leur vaste toit gens et bêtes. Combien d'âmes ont franchi ces seuils ! On ne saurait le dire. Petit à petit, nos maisons se sont transformées, agrandies, rafraîchies. Chez Georges, on s'est aperçu qu'au lieu de s'éreinter à hisser les récoltes sur les hauts lieux, on pouvait faire une grange à pont. Chez Moïse, plus tard on se facilite la tâche avec un monte-charges et le Floki tirait le câble ! Puis, à la place de la maison à Zanet, démolie, s'éleva un vaste rural avec grange et écurie. Chez Georges, on sacrifie le joli jardin de Suzette pour y faire un modeste rural. Et puis le pré cher à Tante Louisa se vit envahir par un hangar et ses tracteurs ! Enfin, chez Moïse, André arriva. Tout aussi entreprenant que son aïeul Georges, il achète, il bâtit, il agrandit et de vastes hangars vinrent compléter la maison du temps jadis. Ainsi finit l'histoire ! J'espère ne pas vous avoir trop lassé. Mais ne dit-on pas que pour comprendre le présent, il faut connaître le passé ! Texte écrit par Lisette Vallotton en 2002 pour les 85 ans de Miette Poget.
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